Archives : à quoi ressemblait Le Vésinet en 1859 ?

    Archives : à quoi ressemblait Le Vésinet en 1859 ?
    En cherchant dans les Archives Municipales de la Ville, nous avons retrouvé un article de l’hebdomadaire Le Monde Illustré, datant de 1859.
    Cette chronique, intitulée “Promenade au Vésinet” décrit un état des lieux pittoresque de notre ville au 19ème siècle.
    Un témoignage intéressant qui confirme que la Ville s’est dessinée et épanouie autour de la nature et de ses espaces verts au point de devenir la Ville Parc qu’on connaît aujourd’hui.
    Voici donc l’intégralité de l’article du Monde Illustré :

    Promenade au Vésinet

    Le bois du Vésinet, auquel la Seine forme une ceinture depuis Chatou jusqu’au-delà de Saint-Germain-en-Laye, était une propriété de la couronne. Les chasses impériales se trouvant limitées, dans la forêt de Marly ou dans celle de Saint-Germain, l’empereur Napoléon III résolut de tripler l’étendue de ces chasses en réunissant les deux forêts. Il fit acheter par l’Etat les propriétés particulières qui se trouvaient entre elles et l’Etat, par compensation à ces dépenses, se défit des bois du Vésinet en faveur d’une compagnie.

    Personne n’ignore aujourd’hui les miracles qui se sont accomplis en peu d’années, dans les bois de Boulogne et de Vincennes. Quelle ville autre que Paris possède d’aussi splendides promenades ? L’art venant aider la nature, ces bois jusqu’ici peu sauvages, sont devenus des parcs délicieux.

     

    “On a creusé des lacs et des rivières”

    La compagnie propriétaire du Vésinet, remarquant la faveur accordée par le public à ces grandes innovations, a voulu faire de sa propriété la troisième merveille des environs de Paris. Il y a peu de temps, des sentiers à peine tracés donnaient seuls accès dans ce bois. Des arbres poudreux n’offraient aux rares promeneurs qu’une fraîcheur insuffisante ; le chemin de fer traversait le bois sans y avoir de station, portait jusqu’au pont du Pecq les voyageurs qui montaient à Saint-Germain. Plus tard, la rampe atmosphérique fut construite ; le chemin changea de direction et la station du Vésinet fut créée.
    Aujourd’hui un parc a été tracé. On a creusé des lacs et des rivières. Mille ruisseaux d’eau vive forment les méandres les plus capricieux ; et la végétation, puisant dans cette bienfaisante fraîcheur une nouvelle vie, semble renaître. Des ponts de différents aspects dessinent à chaque pas leur silhouette pittoresque. De longues avenues laissent apercevoir de merveilleuses perspectives ; et des trouées, habilement ménagées dans les massifs, permettent aux promeneurs d’admirer le pays environnant dans ses plus attrayants points de vue.
    C’est d’abord Rueil et sa jolie église, où sont enfermés les restes de la reine Hortense et de l’impératrice Joséphine. La Malmaison, séjour enchanteur de cette gracieuse souveraine. Bougival, le charmant village où chaque dimanche accostent les flottilles de Bercy et d’Asnières, Bougival, ce rendez-vous des canotiers de Paris, dont les joyeuses chansons font retentir les rives du fleuve, depuis l’île de Croissy jusqu’à la Chaussée.
    C’est Marly, où l’on admira longtemps la célèbre machine de Rennequin Sualem, qui passait pour un chef-d’œuvre avant les progrès de la science hydraulique. Au-dessus de Marly, se découpent sur le bleu du ciel les arches du gigantesque aqueduc qui verse les eaux de la Seine dans les jardins de Versailles.
    C’est enfin Saint-Germain, sa terrasse célèbre, et au-dessus des arbres les girouettes du château qui abrita les amours de Mme de La Vallière, et servit d’asile aux malheureux Stuart. Puis le pavillon Henri IV, dernier vestige de ce qu’on appelait le Château-Neuf.

    “Au bord de ses lacs et de ses rivières vont successivement s’élever les plus gracieuses villas, les plus coquettes maisons de campagne”

    Le parc du Vésinet a donc de plus que ses rivaux de Boulogne et de Vincennes, une situation hors ligne au centre du plus splendide panorama. Un autre avantage qu’il a sur ces bois appartenant à la ville de Paris, c’est qu’au bord de ses lacs et de ses rivières vont successivement s’élever les plus gracieuses villas, les plus coquettes maisons de campagne. Il sera facile à tout amateur de villégiature de devenir propriétaire d’une partie du parc ; on pourra s’y construire une habitation et avoir dans cette magnifique promenade commune à tous son jardin particulier, en même temps que la jouissance d’un parc immense, plaisir réservé aujourd’hui seulement aux grandes fortunes, qui sont encore obligées d’aller le chercher bien loin.
    Deux villages aux premières maisons habitées déjà, sont créés, l’un au centre, l’autre à une extrémité du parc. Là se trouveront réunies les ressources nécessaires à l’alimentation de la colonie. Une commune sera créée ; une église construite, et la proximité de Chatou, du Pecq et de Saint-Germain aidant, le Vésinet deviendra un des endroits les plus charmants à habiter des environs de Paris.
    La facilité des communications par le chemin de fer de Saint-Germain, déjà si grande au moyen des stations du Pecq et de Chatou, sera augmentée encore lorsque, dans un temps prochain, l’administration de l’ouest, cédant au désir qui lui en a été exprimé par la compagnie du Vésinet, aura fait construire, au milieu même du parc, une troisième station.
    Nous avons pensé que les lecteurs du Monde Illustré ne verraient pas sans intérêt ces détails sur une création tout à fait nouvelle. Nous leur offrons quelques croquis que nous avons pris nous-même dans les endroits les plus animés du Vésinet. Nous leur donnerons plus tard une suite de vues plus pittoresques encore, à mesure que la vie, gagnant d’autres parties du parc, il nous sera permis de dessin de nouveaux points de vue.
    Emile Bourdelin, Le Monde Illustré, 1859